C’est un voyage au cœur d’une œuvre minimaliste, féminine, empreinte de délicatesse et de mythologie que nous propose le travail de gravure d’Alix Aulagnier, jeune artiste parisienne de 24 ans.
Dotée d’une fibre artistique depuis son plus jeune âge, elle grandit crayon en main et apprend les bases du dessin dans l’atelier d’une artiste de son voisinage. Elle se forme ensuite en classe préparatoire artistique où elle découvre la gravure à la pointe-sèche lors d’un atelier qui la bouleverse. A l’École Boulle, elle se passionne pour l’étude d’après modèle vivant. Cela fait maintenant deux ans que la pratique de la gravure est son mode d’expression artistique et qu’elle s’y consacre en développant sa propre esthétique, ses propres sujets et motifs.
La gravure a séduit Alix par la possibilité qu’elle offre de pouvoir reproduire le dessin, qui se révèle ainsi par une vie multiple, s’inscrivant dans une certaine pérennité. Pour des raisons pratiques, Alix s’adonne principalement à la linogravure, technique économique et nécessitant peu d’espace. Toutefois, elle rêve de pouvoir un jour travailler la lithogravure et d’en explorer tant le travail de la matrice que le rendu unique.
Les formats qu’elle choisit, du A5 au A3, s’adaptent également à son environnement et à sa pratique et entrent en accord avec ses sujets délicats et l’atmosphère intimiste de son œuvre.
Animée depuis l’enfance par une passion pour la mythologie grecque, transcendée par un voyage initiatique en Grèce il y a 3 ans, Alix Aulagnier y puise son inspiration et notamment dans les figures féminines des mythes.
Ses cours de modèles vivants lui ont permis de découvrir un véritable intérêt pour le dessin du corps féminin, de ses courbes et contre-courbes, en écho à l’esthétique harmonieuse et délicate de ses œuvres.
En outre, elle cherche dans son travail à redonner une existence à part entière aux femmes de la mythologie, n’apparaissant souvent qu’au travers d’hommes dont elles sont la cause des tourments, et changées en animal ou en plante, comme pour excuser la nature de leur sexe. Ses sujets sont ainsi Daphné, Arcé ou Tyché, dont la transformation est évoquée, mais qui ont d’abord un corps de femme, un visage, une présence.
La démarche d’Alix est ainsi de moderniser les mythes en redonnant aux figures féminines mythologiques une existence visuelle, poétique, et indépendante de toute figure masculine. Les femmes d’Alix sont des héroïnes, des muses, des modèles qui existent par elles-mêmes.
Le travail de l’artiste n’est toutefois pas issu d’une inspiration onirique et s’inscrit par là également dans une modernité affirmée. En effet, toujours accompagnée de son carnet de croquis, Alix ne s’inspire que du réel : le végétal, très important dans son œuvre car source infinie de motifs variés, mais aussi l’architecture, les visages et les formes qui l’entourent sont croqués, puis repris avec cette esthétique qui lui est propre, entre poésie mythologique et poésie moderne. Ainsi, bien que le style grec classique l’inspire, c’est l’ancrage dans le réel et l’observation de celui-ci qui motive son travail.
Ses autres sources d’inspiration sont diverses et davantage empruntées à l’art du XXe siècle : les gravures sur bois de Félix Vallotton notamment, représentant des scènes de la vie quotidienne, les linogravures de Picasso inspirées de scènes mythologiques, mais aussi le tatouage pour ses contrastes et l’importance du dessin.
Le point commun entre ces différentes sources d’inspiration est l’absence de nuances de couleurs qui séduit particulièrement Alix et qu’elle retrouve dans la gravure. Ce contraste entre le noir, le terre de sienne, le bleu marine ou le vert olive, couleurs de prédilection de l’artiste, avec le blanc de réserve crée une force visuelle, un clair-obscur qui propulse le sujet au premier plan. Le sujet, humain, végétal ou animal apparaît dans son intégralité et dans son essence. Alix développe une esthétique minimaliste afin de donner cette force au dessin, au trait.
Les aléas de l’encre qui entrent inévitablement dans la technique de la gravure sont aussi des aspects qui séduisent l’artiste. Selon elle, ceci la place dans une « posture humble face à la pratique artistique, qui nécessite du travail ». Cette présence de l’imprévu la pousse à parfaire sa technique, tout en acceptant la part d’inconnu et d’immaîtrisable qui existe entre le travail de l’artiste et le rendu final de son œuvre.
La pratique de la gravure nécessitant beaucoup de concentration et de minutie, Alix ne crée pas sous le coup de l’émotion ; au contraire, l’artiste a besoin de calme et de concentration, et c’est l’acte de création qui va finalement lui procurer des émotions de sérénité, de joie, d’apaisement, ou de soulagement. Contrairement à d’autres techniques artistiques qui peuvent être des exutoires, celle de la gravure offre à Alix une bulle hors du temps et hors du monde où la douceur et la délicatesse règnent.
Pour les années à venir, Alix verrait son travail évoluer en intégrant de nouvelles techniques plus écologiques, recourant notamment à des encres ou teintures végétales (en collaboration avec une de ses amies qui en produit ainsi que du papier teinté), et en continuant à travailler davantage à partir de matériaux de récupération. Elle envisage également une collaboration avec une amie brodeuse afin de donner encore une nouvelle existence à ses dessins. Pratiquer la lithographie serait enfin également un projet qui lui tiendrait à cœur.
L’œuvre d’Alix ne peut se résumer en un mot, deux sont nécessaires pour en saisir l’essence : poétique et manuelle. Entre la douceur et la poésie de son esthétique féminine et minimaliste, se glisse son goût pour le travail d’atelier, le travail manuel et la fabrication d’une œuvre de ses propres mains.
Vous pouvez retrouver le travail d’Alix Aulagnier sur son site Web : https://www.alix-a.com/ et sur sa page Instagram : https://www.instagram.com/alix.aulagnier/
Sandrine Thomas
Encore une fois bravo pour ton travail de journaliste de l’art..