Le Blog à Vienne, étape 2 : Sur les traces d’Egon Schiele

Voici enfin le second « Vlogarticle » du voyage à Vienne du Blog, que je choisis de consacrer à un artiste emblématique de la capitale autrichienne : Egon Schiele.

L’artiste au physique atypique est né en 1890,  dans la ville de Tulln an der Donau près de Vienne. Il marque très tôt un attrait particulier pour le dessin et s’y exerce régulièrement.

La pratique artistique semble être un exutoire pour Schiele, dont la vie est marquée par les épreuves difficiles : il perd sa sœur en 1893, et son père en 1905. Ces événements confèrent un caractère torturé à son œuvre dès sa jeunesse ; mais l’artiste ne délaissera jamais la pratique de son art, malgré le désespoir. En 1906, Egon Schiele intègre l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, située sur la Schillerplatz,  et y apprend la peinture selon les règles classiques : cours de dessin d’après l’Antiquité, cours d’anatomie, de traitement de la perspective, etc.  Mais le jeune homme chétif se sent rapidement en désaccord avec cette rigueur académique, et décide de quitter l’établissement deux ans plus tard, suivi par certains de ses amis. Il se rapproche alors d’un tout nouveau groupe d’artistes formé en 1909, La Kunstschau. Egon Schiele s’enthousiasme pour ce renouveau et cette modernité avant-gardiste, et forme alors son propre groupe avec ses amis : les Neukünstler.

Egon Schiele est porté par les élans novateurs de la Sécession viennoise, fondée en 1897, et en particulier par l’artiste Gustav Klimt, qu’il découvre en 1907. Ce dernier devient rapidement un modèle pour l’artiste en herbe.

L’année 1910 semble être une année déterminante pour Schiele, trouvant finalement sa propre voie et identité artistique.

Schiele rencontre Gustav Klimt à l’automne 1910, alors que les deux artistes sont nouvellement voisins d’ateliers dans la Grünbergstrasse, près du château de Schönbrunn. Ils font connaissance et échangent leurs dessins, se découvrant et s’inspirant l’un l’autre. Bien que d’âge et de cercles sociaux différents, les deux artistes resteront toujours en bons termes, et l’amitié de Klimt sera pour Schiele un soutien important dans le milieu artistique viennois du début du XXème s.

Schiele célèbrera cette amitié dans une de ses œuvres majeures : Les Ermites, de 1912, présentant les 2 amis comme des frères spirituels.

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Les Ermites, Egon Schiele, 1912, huile sur toile ©photographie personnelle au Leopold Museum de Vienne

Lors de ma visite du Léopold Museum dans le Museumsquartier de Vienne, j’ai pu réellement saisir les enjeux et liens de cette admiration. Les deux artistes ont en effet bien plus en commun qu’il n’y paraît. Non seulement en termes personnel de dévouement total à l’art mais aussi sur le plan plastique, avec notamment  l’emploi en commun du format carré et le traitement évanescent des corps, presque irréels.

Dans la verve de sa jeunesse, Egon Schiele décide cette même année 1910 de bousculer le monde artistique autrichien et après l’écriture d’un manifeste éponyme, Schiele se met à la tête du Neukunstgruppe, ou « groupe pour un nouvel art », dont la première exposition se tient au salon Gustav Pisko à Vienne en décembre 1910. Cette exposition reste en histoire de l’art comme « la première impulsion à l’expressionnisme autrichien ».

Egon Schiele préférait le terme de nouveauté à modernité, voyant l’art selon une continuité, ponctuée et renouvelée par de nouveaux artistes.

La pratique de l’autoportrait chez Schiele apparaît cette même année, avec la réalisation de son premier autoportrait nu, ce qui est tout à fait inédit à l’époque. Le seul exemple antérieur auquel il a pu être confronté auparavant est l’Autoportrait nu de d’Albrecht Dürer, daté de 1506, et alors exposé à l’Albertina Museum de Vienne. Ceci est assez cocasse, en considérant le fait qu’aujourd’hui le musée accueille dans des salles contigües plusieurs œuvres de nus de Schiele.

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Autoportrait nu, Egon Schiele, 1910 ©source : site artliste.com

Au printemps, Schiele semble animé d’un dégoût de la ville, et aspire à se retirer à la campagne, à être plus proche de la nature. Il écrit dans une lettre adressée à un ami, Anton Peschka, artiste nouveau comme lui, « Peschka ! Je veux quitter Vienne, le plus tôt possible. tout ici est laideur. Tout le monde se montre jaloux et perfide à mon égard ; d’anciens collègues me regardent de biais. Vienne est la ville de l’ombre, elle est noire, tout y est artificiel. Je veux être seul. Je veux me rendre dans le Wienerwald ». C’est ainsi en ce début des années 1910, conservant leur influence dans la mémoire de l’artiste jusque vers 1915, qu’apparaissent dans l’œuvre de Schiele les image de petites villes, de maisons,  comme dans le dessin à la gouache intitulé Vieilles maisons à Krummau, daté de 1914.

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Vieilles Maisons à Krummau, Egon Schiele, 1914 ©source : site guggenheim-bilbao.eus

Ces mêmes années d’exil champêtre, Schiele est traqué par les autorités pour la saisie de ses dessins érotiques, confrontés à l’indignation du public. Il est alors pris dans des démêlés juridiques, et passe quelques semaines en prison. Dès sa libération, Schiele retourne à Vienne mais la quitte tout aussitôt pour plusieurs voyages. La tempête personnelle de l’artiste apaisée, il retourne à Vienne en 1912, et s’installe dans un nouvel atelier, au 101 de la Hietzinger Hauptstrasse dans le 8ème arrondissement de la ville. Il gardera cet atelier jusqu’à la fin de sa vie. Il y peindra de nombreux corps féminins desquels émanent une forte tension sexuelle, et une certaine violence, une anatomie dévoilée frôlant l’obscénité.

Les dernières années de la vie de l’artiste sont marquées par la guerre : Egon Schiele est mobilisé en 1915 et sera soldat jusqu’en 1918. Ceci n’empêchera pas à l’artiste de continuer à peindre, et ses affectations à des travaux de bureau l’aideront à poursuivre sa pratique artistique. Après la 49ème exposition de la Sécession viennoise de mars 1918, Schiele est reconnu comme l’un « des grands génies incontournables de l’Art autrichien ». L’artiste jouira peu de cette reconnaissance : à l’automne, sa compagne Edith Harms décède de la grippe espagnole. Schiele est alors déjà contaminé, et y succombera le 31 octobre 1918. La fin de la guerre survenue deux jours après sa mort éclipseront la mémoire de l’artiste, mais celle-ci est bien présente aujourd’hui, reconnaissant Egon Schiele comme la figure principale de la modernité autrichienne.

La ville de Vienne est empreinte de cet artiste capital du début du XXème siècle, et ses œuvres sont réparties dans presque tous les musées de la ville : l’Albertina Museum, le Musée du Belvédère, mais c’est surtout au Léopold Museum que l’on peut admirer une collection impressionnante des œuvres de l’artiste, définitivement attaché à cette ville.

Sandrine Thomas

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