C’est le 15 juillet 1606 dans la ville de Leyde aux Pays-Bas, qu’est née sans doute l’une des plus grandes figures de la peinture flamande : Rembrandt van Rijn. A la frontière entre sensibilité à fleur de peau et rudesse des scènes et expressions, la peinture de Rembrandt fait l’objet d’une importante démarche personnelle de l’artiste vers une quête de vérité.
Le Musée Jacquemart André, possédant déjà trois œuvres du maître, a consacré du 16 septembre 2016 au 23 janvier 2017 une exposition rétrospective à l’artiste, intitulée « Rembrandt intime », se donnant pour démarche de pénétrer les œuvres pour en saisir la teneur humaniste.
L’exposition portait principalement sur le portrait, et pour cause, c’est un genre auquel Rembrandt s’est particulièrement adonné durant sa carrière. Il a notamment réalisé près d’une centaine d’autoportraits, cherchant à percevoir les changements et évolutions de son physique, mais aussi dans un questionnement de son âme.
Rembrandt est né d’un père meunier et d’une mère boulangère à Leyde, ville des Provinces-Unies, c’est-à-dire des Pays-Bas du nord, libres de la domination espagnole présente au Sud. Le jeune artiste est rapidement aguerri, notamment par un apprentissage de six mois chez un maître amstellodamois de renom : Pieter Lastman. Il fonde son premier atelier à Leyde en 1624 avec son ami Jan Lievens. En 1631, il quitte sa ville natale pour s’installer à Amsterdam.
L’exposition du musée Jacquemart-André s’articulait – selon les commissaires de l’exposition – autour des trois œuvres possédées par le musée, représentatives de trois périodes majeures dans la carrière de l’artiste : le travail de jeunesse à Leyde, la gloire d’un peintre face à de nombreuses commandes à Amsterdam, et enfin les travaux tardifs.
L’exposition montrait bien l’évolution du style du peintre : dans les œuvres de jeunesse, on peut voir un surprenant maniérisme, mêlé à un souffle baroque, que je ne soupçonnais pas chez Rembrandt, avec des couleurs vives et contrastées. On peut mentionner par exemple l’œuvre L’Ânesse de Balaam, huile sur bois de 1626.
Dans les œuvres réalisées à partir des années 1630 à Amsterdam, on peut constater que l’artiste répond à plusieurs commandes de portrait aristocratique, comme celui de la Princesse Amalia van Solms, daté de 1632. La finesse des détails, en particulier des étoffes et des bijoux est sans doute ce que j’admire le plus chez Rembrandt. Il sait détacher ces éléments précieux sur un fond sombre, avec des touches plus instantanées.
Enfin dans ses œuvres tardives, on peut constater chez Rembrandt une audace plus prégnante dans l’affirmation de son propre style et de sa touche. Rembrandt semble accorder davantage d’importance à la matérialité, aux reflets et leurs effets sur la couleur et les nuances. Ceci est notable dans les portraits de la Jeune fille à sa fenêtre de 1651, mais aussi dans celui de sa compagne, Hendricke Stoffels, depuis l’année 1649 et jusqu’à la mort de celle-ci en 1663 de maladie. L’exposition marque cette dernière période d’un caractère de « fugacité » : le peintre est à la recherche d’un instant, où les choses, les émotions et mouvements de l’âme sont présents d’une certaine façon et ne le seront jamais plus.
Cette rétrospective mettait aussi un point d’honneur à faire comprendre au spectateur, de lui-même, que Rembrandt était peut-être davantage un graveur au talent incommensurable qu’un peintre. La variété des gravures présentées, d’une finesse du dessin à couper le souffle, en témoignent.
On peut notamment retenir cette œuvre : L’Annonce aux Bergers, 1634, eau-forte, pointe sèche et burin. Trois états.
Enfin, il faut noter que cette exposition ne portait pas seulement sur le portrait, car l’œuvre de Rembrandt est aussi abondante en œuvres à sujets religieux. Les scènes choisies sont variées, mais toujours traitées avec délicatesse, simplicité et humilité. L’empreinte de l’artiste y est reconnaissable par le traitement de la lumière en clair-obscur (un fond très sombre et des sujets d’une scène centrale très éclairé selon un angle précis).
Toutefois, l’essence de l’exposition n’était pas tant de montrer ces évolutions que de nous en faire saisir le lien, le fil rouge, qu’est la recherche permanente par Rembrandt d’une expression de l’âme humaine. Ses portraits et autoportraits, marqués par des jeux de lumières caravagesques, présentent des expressions dont la neutralité apparente laisse l’empathie du spectateur aller à la rencontre des pensées et sensations du personnage représenté. On sent l’œil du peintre qui sonde l’âme de son sujet, tentant d’en saisir la joie, la tristesse, la nostalgie et l’espoir, la crainte ou l’assurance. La spiritualité qui émane des œuvres présentant des sujets religieux va également en ce sens, mais relève aussi d’une réciprocité, puisque la spiritualité du tableau plonge le spectateur dans un état contemplatif et méditatif.
La démarche conceptuelle de cette exposition était donc très psychologique et métaphysique, ce qui permet d’aborder la rétrospective selon un angle intéressant et thématique. Je dois toutefois regretter que cet angle soit difficile à saisir, la logique de l’exposition ne semblant pas toujours évidente, accessible, et explicite. Les trois tableaux dont le Musée Jacquemart André est en possession se ressemblent beaucoup stylistiquement : on reconnaît bien la patte de l’artiste qui emploie des tons terreux et la technique du clair-obscur ; ainsi ils ne se suffisent pas à eux-mêmes pour articuler l’exposition, et c’est seulement par la mise en contexte avec d’autres œuvres que l’on saisit l’évolution stylistique. Aussi, j’ai trouvé l’éclairage faible, ajouté à cela les pans de murs et le sol sombres, l’appréhension des œuvres se fait presque dans la pénombre. A contrario, les spots présents sont parfois braqués sur l’œuvre et leur lumière vient ainsi se refléter dans le verre protégeant la toile, comme pour l’œuvre du Vieil homme en costume oriental de 1632. Celle-ci n’était donc pas du tout mise en valeur puisqu’on ne la voyait jamais entièrement à cause de ces reflets !
Autrement, le sempiternel problème du Musée demeure son aisance de circulation. Quelle que soit l’heure et le jour de la semaine, les salles sont encombrées par le public, ce que je ne comprends pas étant donné le dispositif de tranches horaires mis en place pour la billetterie…
Considérant la taille de l’exposition enfin, je trouve le prix élevé, du moins 10,50€ pour une étudiante en Histoire de l’art, je ne trouve pas cela très raisonnable…
J’espère que cet article vous aura aidé à mieux saisir les tenants et les aboutissants de cette exposition et que ma critique sera constructive.
Sandrine Thomas
Exposition « Rembrandt Intime », au Musée Jacquemart-André (158 Boulevard Haussmann, 75008 Paris), du 16 septembre 2016 au 23 janvier 2017. Ouvert tous les jours de 10h à 18h, nocturne le lundi.
Image de bannière : Rembrandt van Rijn, Autoportrait avec deux cercles, 1665-69 ©autoportraits.net/rembrandt